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Atteinte à la présomption d’innocence par le JDD

Publié le : 15/05/2016 12:24:06
Catégories : Presse | Journalisme

On se souvient que dans son édition papier, le JDD avait publié un article, annoncé en page de couverture par les phrases « Exclusif-Maroc : l'enregistrement accablant-Comment les deux journalistes (Eric Laurent et Catherine Graciet) ont fait chanter le roi (du Maroc) », intitulé «un « biscuit » à deux millions ». Les journalistes viennent d’obtenir la condamnation du JDD pour atteinte à la présomption d’innocence.

Principe de la présomption d’innocence

Aux termes de l'article 9-1 du code civil, « chacun a le droit au respect de la présomption d'innocence. Lorsqu'une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte».

Ce droit doit toutefois se concilier avec le droit à la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et peut céder devant la liberté d'informer sur tout ce qui entre dans le champ de l'intérêt légitime du public, certains événements d'actualité ou sujets d'intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression.

S'agissant de la version papier du JDD, que, de fait, l'annonce faite à la Une « Exclusif-Maroc : l'enregistrement accablant-Comment les deux journalistes ont fait chanter le roi »-, accompagnée de surcroît de la mention « exclusif » ne laisse planer aucun doute dans l'esprit du lecteur sur la culpabilité des journalistes concernés, l'épithète « accablant » accolé au mot « enregistrement » comme l'emploi du terme « fai(re)chanter » et la formulation à l'indicatif de l'assertion « ont fait chanter le roi » ne pouvant que le conduire à considérer que les journalistes en question sont nécessairement coupables de l'infraction de chantage.  Il n'est en second lieu pas démontré que cette première impression soit dissipée par le surplus de l'article, dans la mesure où :

-le titre et le sous-titre de l'article reprennent à la fois les termes « chantage » et « enregistrements accablants »,

-l'ensemble de l'article est non seulement formulé à l'indicatif, ce qui pourrait se concevoir si le journaliste ne faisait que rapporter des faits objectifs, mais régulièrement ponctué de formules de son cru qui s'apparentent à des commentaires et ne peuvent que conforter la conviction de culpabilité, telles « Un très mauvais polar », «récit d'une folle entreprise », « il y a urgence », « le marché est clair » ou « une phrase lourde de sous-entendus », aucune réserve de sa part n'étant par ailleurs formulée quant à l'attitude et aux déclarations des représentants du royaume du Maroc;

-si l'auteur prend soin, apparemment, de présenter les explications et réactions des avocats des demandeurs, ce procédé n'est pas non plus de nature à modifier la perception des lecteurs ;

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que tant la Une du JDD que l'article publié en version papier a porté atteinte à la présomption d'innocence des journalistes.

1 euro de préjudice

Si la demande de réparation du préjudice moral formulée par les journalistes paraît justifiée en son principe, ils n’ont fourni aucun élément concret de nature à apprécier la gravité des répercussions alléguées de ces accusations et partant, le montant particulièrement élevé réclamé par leurs soins. Les journalistes n’ont obtenu qu’un euro de dommages-intérêts.

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