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Cartier contre L’Oréal

Publié le : 25/11/2015 13:11:48
Catégories : Publicité | Marketing

La société L’Oréal a été condamnée à plus d’un million d’euros pour parasitisme publicitaire  à l’encontre des sociétés Cartier.

Protection d’une identité publicitaire

La société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE a diffusé un film publicitaire, décliné en 4 versions, relatif au parfum OPIUM, sur internet et sur les grandes chaînes de télévision,  ainsi qu'un visuel publicitaire, dans le magazine Madame Figaro et sur Internet.

Protection d’un thème publicitaire

A compter de 1914 la Maison CARTIER a fabriqué des montres sur le thème "panthère", qu'en 1917 Mme Jeanne Toussaint, directrice artistique surnommé la "panthère", a créé une broche sur ce thème, que des bijoux d'exception sur le thème "panthère", qui font partie de l'histoire de la joaillerie, ont ensuite été créés notamment en 1948 et 1957 pour des personnalités de rang royal, que la panthère a continué à être utilisée par la Maison Cartier pour créer des collections de bijoux en 1968, en 1987 et en 2009, ainsi que des statuettes ou de la vaisselle. A compter de 1987 un parfum dénommé "Panthère" a été commercialisé; d'autre part, dès les années 1970 une panthère tachetée vivante était associée aux opérations de communication des sociétés CARTIER et photographiée avec des célébrités, qu'il en était de même lors des opérations promotionnelles pour le lancement du parfum "Panthère", en 1987; à compter de l'année 2001, les photographies publicitaires pour la Maison CARTIER, présentes dans les catalogues rédigés en français et sur les façades de boutiques CARTIER en France et dans le monde, montrent une panthère tachetée vivante, qui dans le rôle d'une cliente, évolue en liberté dans un environnement urbain ; cette même année, la Maison CARTIER a fait réaliser une photographie sur fond noir représentant une panthère vivante allongée sur une table dorée de style de Louis XV, faisant partie d'une série de quatre photographies représentant la panthère dans un appartement, ces photographies ont été utilisées par les sociétés CARTIER dans les cartes de voeux, les catalogues, les devantures de boutiques CARTIER en travaux , la photographie représentant la panthère allongée sur une table dorée continue à être utilisée, notamment au centre de boutiques CARTIER. A compter d'octobre 2003 des films publicitaires montrant des panthères tachetées vivantes étaient projetés lors d'événements de relations publiques et sur le site Internet de la Maison Cartier, à compter de 2008.

Ces faits établissent que la panthère vivante tachetée est l'emblème de la Maison CARTIER depuis de nombreuses années ; de même les couleurs rouge et or sont utilisées depuis des décennies par la Maison CARTIER, pour ses catalogues, ses écrins, la décoration de ses boutiques et sa communication ; la panthère tachetée vivante, qui est un élément central de sa communication, ainsi que les couleurs rouges et or constituent l'identité visuelle de la Maison CARTIER qui en fait un usage continu depuis des décennies.

La société L'ORÉAL ne rapportait la preuve ni que l'utilisation d'une panthère tachetée vivante soit banal en publicité, ni que la panthère tachetée vivante fasse partie de l'identité visuelle de la maison Yves Saint-Laurent, l'utilisation du tissu à motif léopard dans les vêtements ou l'ameublement n'étant pas assimilable à la mise en scène d'une panthère vivante.

Reprise illicite du thème pour OPIUM

La campagne publicitaire diffusée pour le parfum OPIUM, faisant apparaître pour la première fois une panthère tachetée vivante auprès du mannequin féminin, est en rupture avec la communication transgressive utilisée précédemment pour ce parfum qui se plaçait de façon implicite dans l'univers des produits stupéfiants ; en effet, l'historique des publicités pour le parfum OPIUM, depuis 1977, fait apparaître un univers sensuel, voire érotique, dans lequel n'apparaissaient pas d'animaux, mais centré autour une égérie portant ou non des bijoux, avec un gamme chromatique diversifiée, même si le noir, le rouge et l'or sont souvent employés, mais pas toujours ensemble.

Le film publicitaire en cause fait apparaître une panthère tachetée vivante gardienne d'un objet précieux, le tout dans un environnement chromatique rouge et or, le parfum n'apparaissant à l'écran qu'après les bijoux et la panthère (parfum OPIUM n'est identifiable qu'en dernier). Le  film publicitaire a donc repris les codes visuels et esthétiques de la Maison CARTIER et jouait quasiment jusqu'à la fin sur l'ambiguïté afin de placer le parfum OPIUM dans l'univers de la haute joaillerie, dont la Maison CARTIER est une des représentantes les plus connues du grand public.

Conditions du parasitisme

Le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements consentis, résulte, à la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d'un faisceau de présomptions, d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité, indépendamment de tout risque de confusion. L'exercice de l'action pour parasitisme est uniquement subordonné à l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice et non à l'existence d'une situation de concurrence entre les parties. Cette action fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil ne sanctionne pas exclusivement les fautes intentionnelles, mais tout comportement fautif même involontaire, telles les fautes de négligence ou d'imprudence.

La liberté du commerce et de l'industrie, qui a pour corollaire le principe de la libre concurrence, comme la liberté d'expression ne sont pas absolues et leur mise en oeuvre fautive peut être sanctionnée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, à charge pour celui qui se prétend victime de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice. En application des articles précités, il est de jurisprudence constante qu'est contraire aux usages loyaux du commerce et donc fautif le fait de se placer dans le sillage d'un opérateur économique en cherchant à tirer indûment profit de la notoriété de ses produits, même si ceux-ci ne sont pas protégés par un droit de propriété intellectuelle.

La Cour européenne des Droits de l'Homme déclare les disposition de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales applicables à la publicité commerciale , mais juge que l'exercice de la liberté d'expression, qui comporte des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à certaines conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à la protection des droits d'autrui. Les règles régissant le parasitisme, prévues par le code civil et explicitées par la jurisprudence, qui sont tournées vers un but légitime au regard de l'article 10 précité ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de diffuser des publicités à caractère commerciale.

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