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Livres indisponibles : la France invitée à modifier sa réglementation

Publié le : 05/12/2016 10:16:55
Catégories : Droit de l’édition , Presse | Journalisme

Exploitation numérique des livres indisponibles

Le législateur français a consacré toute une loi (loi  n° 2012-287 du 1er mars 2012) à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. Il était peut-être trop rapidement acquis que les « nouveaux » articles L. 134‑1 à L. 134-9 du code de la propriété intellectuelle étaient conformes au droit européen.

Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’État, la CJUE vient de rendre un avis négatif sur la légalité de la réglementation française prévoyant le droit d’autoriser l’exploitation numérique des livres indisponibles (Affaire C-301/15, Marc Soulier c/ Ministre de la Culture, 16/11/2016). Pour information la BNF a répertorié plus de 51 800 livres indisponible dont la gestion collective a été confiée à la SOFIA.

Consentement préalable des auteurs

Le droit de publier en ligne les livres indisponibles est actuellement transféré à la SOFIA lorsque l’auteur ne s’y oppose pas dans un délai de six mois à compter de l’inscription de ses livres dans une base de données établie à cet effet.

Or, la réglementation n’a pas prévu de mécanisme garantissant une information effective et individualisée des auteurs. Il n’est donc pas exclu, selon la CJUE, que certains des auteurs concernés n’aient pas connaissance de l’utilisation envisagée de leurs œuvres et qu’ils ne soient par conséquent pas en mesure de prendre position sur celle-ci. Dans ces conditions, une simple absence d’opposition de leur part telle que prévue actuellement, ne peut pas être regardée comme l’expression de leur consentement implicite à l’utilisation de leurs œuvres, d’autant plus qu’il ne saurait être raisonnablement présumé que, à défaut d’opposition de leur part, tous les auteurs des livres « oubliés » sont favorables à la « résurrection » de leurs œuvres, en vue de l’utilisation commerciale de celles-ci sous une forme numérique.

Sous réserve des exceptions posées par la directive CE n° 2001/29, toute utilisation d’une œuvre effectuée par un tiers sans un tel consentement préalable doit être regardée comme portant atteinte aux droits de l’auteur de cette œuvre (Affaire C‑314/12, UPC Telekabel Wien, 27/03/2014). Si la directive ne précise pas la manière dont le consentement préalable de l’auteur doit se manifester et que ce consentement n’a pas à être nécessairement exprimé de manière explicite, l’expression d’un accord implicite doit être claire et dépourvue de réserves.

L’objectif de protection élevée des auteurs implique que les conditions dans lesquelles un consentement implicite peut être admis doivent être définies strictement, afin de ne pas priver de portée le principe même du consentement préalable de l’auteur. En particulier, tout auteur doit être effectivement informé de la future utilisation de son œuvre par un tiers et des moyens mis à sa disposition en vue de l’interdire s’il le souhaite. En effet, en l’absence d’information préalable effective relative à cette future utilisation, l’auteur n’est pas en mesure de prendre position sur celle-ci.

Intérêt culturel des consommateurs

La poursuite de l’objectif visant à permettre l’exploitation numérique de livres indisponibles dans l’intérêt culturel des consommateurs et de la société, bien que compatible en tant que tel avec la directive, ne saurait justifier une dérogation non prévue par le législateur.

Le droit de l’auteur de mettre fin pour l’avenir à l’exploitation de son œuvre sous une forme numérique doit pouvoir être exercé sans devoir dépendre de la volonté concordante de personnes autres que celles autorisées à procéder à une telle exploitation numérique et, partant, de l’accord de l’éditeur ne détenant que les droits d’exploitation de l’œuvre sous une forme imprimée. En outre, l’auteur d’une œuvre doit pouvoir mettre fin à l’exercice des droits d’exploitation de cette œuvre sous forme numérique sans devoir se soumettre au préalable à des formalités supplémentaires.

Le dispositif français actuel

On entend par livre indisponible, un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur et qui ne fait pas actuellement l'objet d'une publication sous une forme imprimée ou numérique. Pour exploiter ces livres, il a été créé auprès de la BNF, un Registre des livres indisponibles du XXème siècle, mis à disposition en accès libre et gratuit, qui répertorie les livres indisponibles. Toute personne peut demander à la Bibliothèque nationale de France l'inscription d'un livre indisponible dans la base de données.

La reproduction et la représentation des livres indisponibles sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée à cinq ans, renouvelable.

L'auteur d'un livre indisponible ou l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée de ce livre peut s'opposer à l'exercice du droit d’exploitation en ligne transféré à la SOFIA, s'il juge que la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Cette opposition doit être  notifiée par écrit au plus tard six mois après l'inscription du livre concerné dans la base de données de la BNF. Les demandes de retrait et d’opposition sont présentées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie électronique avec demande d'accusé de réception.

A défaut d'opposition notifiée par l'auteur ou l'éditeur à l'expiration d‘un délai de six mois,  la SOFIA est en droit d’exploiter le livre indisponible sous format numérique.

L’auteur d'un livre indisponible qui décide de retirer à la SOFIA le droit d'exploiter son livre, doit apporter la preuve qu'il est le seul titulaire des droits d’édition. L’éditeur qui souhaite faire jouer son droit de retrait, doit  apporter à la SOFIA,  par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre (le droit de retrait n’est pas immédiat, la SOFIA dispose du droit d’exploiter l’ouvrage jusqu’au terme de la période de cinq ans).

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