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Opéra et droit moral

Publié le : 11/10/2014 18:36:09
Catégories : Spectacle vivant | Culture

Dialogues des carmélites

On sait que Georges Bernanos est l'auteur des Dialogues des carmélites écrits en 1948. Le point de départ de cette oeuvre est une nouvelle de la romancière allemande Gertrude von Le Fort " La dernière à l'échafaud" qui s'inspire du fait historique que constitue la mort sur l'échafaud des carmélites de Compiègne mais dans laquelle le personnage de Blanche de la Force est totalement inventé. Georges Bernanos fut chargé d'écrire les dialogues pour un projet de film tiré de cette nouvelle, projet qui n'a pas abouti à l'époque.

Les Dialogues des carmélites porte sur l'entrée de Blanche de la Force, jeune aristocrate fragile et apeurée, au carmel et le drame que va provoquer la condamnation à mort des religieuses pendant la Révolution française. Selon Henri Hell, les Dialogues sont une tragédie intérieure dont la Révolution française n'est qu'une toile de fond.

A partir de ces Dialogues a été écrit un opéra (livret) extrêmement fidèle à l'oeuvre de Bernanos puisque le texte n'a subi aucune modification et que la scène finale portant sur la mort des religieuses était conforme à la réalité historique.

Pas d’atteinte au droit moral

Les ayants droits de Georges Bernanos ont poursuivi pour dénaturation et atteinte au droit moral du défunt, une mise en scène de Dimitri Tcherniakov. Les juges ont conclu à l’absence d’atteinte au droit moral. Même si la scène finale peut apparaître audacieuse en ce qu'elle ne tient pas compte des faits historiques repris dans les Dialogues des carmélites, elle n'en constitue pas pour autant une dénaturation.

La mise en scène en cause est conçue sur la base de faits se déroulant dans un monde contemporain et le décor final est constitué d'une baraque en bois entourée par la foule tenue à distance par un ruban de sécurité. Les religieuses s'y trouvent enfermées, Blanche arrive et les délivre en les faisant sortir une à une de cette baraque, les religieuses suffoquant car elles étaient en train d'être asphyxiées par le gaz. Lorsque toutes les religieuses sont sorties, Blanche va seule s'enfermer dans la cabane qui quelques instants après, explose. Les chants religieux sont enregistrés. Le décor contemporain fait échapper l'opéra au contexte historique de la Révolution française pour lui donner une signification plus universelle et l'échafaud devient une chambre à gaz.

Les religieuses ont été condamnées à mort et même si on ne les a pas vues conduites de force dans cette baraque, rien ne permet de retenir qu'elles se trouvent dans ce lieu de par leur seule volonté et qu'elles ont fait le choix de mourir sans contrainte. Le livret n'ayant subi aucune altération, cette dernière scène de la mise à mort des religieuses doit se comprendre en fonction de celui-ci et la thèse d'un suicide collectif ne s'impose pas. De la même façon, si Blanche paraît s'enfermer dans cette chambre à gaz qui va exploser sans que la contrainte extérieure soit apparente, il reste qu'elle agit pour sauver ses soeurs et donne sa vie à la place des leurs. Les religieuses ne meurent pas ensemble en martyres mais il convient de relever que les Dialogues des carmélites n'est pas une apologie du martyre. Il apparaît ainsi que la dernière scène interprétée par Dimitri Tcherniakov respecte les thèmes du transfert de la grâce et de la communion des saints qui selon Francis Poulenc sont les thèmes essentiels de l'oeuvre sans que la disparition de la mort collective des religieuses n'altère le sens des Dialogues.

 

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