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Pornographie et données personnelles

Publié le : 20/02/2016 06:37:51
Catégories : Internet | Informatique

Le droit des données personnelles s’invite parfois dans des domaines inattendus. Avec cette décision du TGI de Paris, les juges imposent aux producteurs de films X de nouvelles obligations en matière de respect des données personnelles des « acteurs ».

Traitement de données personnelles illicite

Dans l’affaire soumise une ancienne actrice ayant accepté le tournage d'une vidéo à caractère pornographique (depuis mère de famille et reconvertie professionnellement) a constaté que des photos et vidéo d’elle étaient diffusées, sans son consentement, sur Internet, Facebook et hi5.   La demanderesse se plaignait  du traitement automatisé de ses données personnelles, y compris celles ayant un caractère sexuel, ethnique et racial au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, résultant, d'une part, de la diffusion, impliquant la numérisation, sur un site internet, de la vidéo la représentant, et la précision de son prénom, sa nationalité, son lieu de résidence (ville uniquement) et ses pratiques sexuelles.

Il résultait du constat d'huissier dressé que la demanderesse, désignée par son prénom, était  parfaitement identifiable sur les images de cette vidéo ; en outre, le traitement automatisé des données personnelles résultait à l'évidence de leur diffusion sur les réseaux sociaux et sur le site internet du producteur de film X. Sans aucun doute, Facebook et tout réseau social constitue bien un traitement de données à caractère personnel, défini par la loi comme « toute opération ou tout ensemble d'opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l'enregistrement, l'organisation, la conservation, l'adaptation ou la modification, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l'interconnexion, ainsi que le verrouillage, l'effacement ou la destruction de données personnelles ».

Autorisation du modèle pornographique

C'est vainement que le producteur se prévalait de l'autorisation qui lui avait été donnée par l’actrice par la signature qu'elle avait apposée au bas du document intitulé «Autorisation du modèle (Décharge de responsabilité)». Aux termes de ce document, la demanderesse autorisait : «le(s) producteur(s) ainsi que toute personne en possession de la présente décharge à utiliser les prises de vue, photos ainsi que les interviews et autres supports d'exploitation commerciale prises sur ma personne en mon accord pour les diffusions, publications, duplications, exploitations et autres formes commerciales connues et inconnues à ce jour y compris télévisuelles hertzienne, satellites ou câblées codées ou non telle Canal+ et ce pour une durée de 99 ans», déchargeait les «utilisateurs et propriétaires de oeuvres » de toute responsabilité et renonçait à « porter plainte ou réclamation » à leur encontre.

Cette « autorisation de modèle » qui ne faisait  aucune référence au traitement automatisé des données personnelles de la demanderesse, ne saurait caractériser ni l'information ni le consentement de la demanderesse exigés par les dispositions des articles 6 et 7 de la loi du 6 janvier 1978 ; est donc  prohibée la collecte des références à l'origine raciale ou ethnique ainsi qu'à la vie sexuelle de l’actrice.

Sanction du refus de suppression de données personnelles

Le refus de supprimer ses données personnelles opposé par le producteur de films X caractérise le délit prévu et réprimé par l'article 226-18-1 du Code pénal, aux termes duquel : « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l'opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende ».

30 000 euros de dommages et intérêts

Compte tenu du caractère intrinsèquement illicite du traitement des données de nature raciale et sexuelle, du caractère, à l'évidence, abusif du contrat qui a été fait signer à la demanderesse tendant à décharger son cocontractant de toute responsabilité pour une durée de 99 ans, de l'identification qui a été rendue certaine par la diffusion publique de ses données personnelles et du transfert de ces données, son préjudice, résultant du non-respect des dispositions impératives de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 quant au traitement automatisé de ses données personnelles sans son autorisation, le producteur de films X a été condamné à 15 000 euros de dommages et intérêts.  Le préjudice résultant du refus, réitéré, de supprimer ses données personnelles a aussi été réparé par des dommages-intérêts d'un montant de 15 000 euros.

Délit de menace constitué

Dans les échanges d’emails entre l’ancienne actrice et le producteur de films X, ce dernier menaçait l’actrice d’une revente de la vidéo à une société de production américaine si elle n’était pas disposée à racheter ses droits.  Ce fait constitue bien une menace au sens de l'article 222-18 du Code pénal, délit prévu par l'article 226-22-1 du Code pénal qui puni de 5 ans d'emprisonnement le fait de transférer des données à caractère personnel faisant l'objet ou destinées à faire l'objet d'un traitement vers un État n'appartenant pas à la Communauté européenne et n'assurant pas un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes (les États-Unis ne présentant pas une protection suffisante au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978).

Faux et usage de faux constitué

Enfin, le producteurs de film X ayant à l'évidence porté des modifications sur les différentes versions du contrat litigieux relatives notamment à son identité et à sa forme juridique, a été condamné pour faux et usage de faux, délit réprimé par l'article 441-1 du Code pénal.  Au regard du traitement de ses données personnelles, « l 'identité du responsable du traitement et, le cas échéant de son représentant », est une condition de la licéité du consentement donnée par la personne concernée, dont l'absence est sanctionnée par une contravention de cinquième classe ainsi que le prévoit l'article R 625-10 du Code pénal ; cette identification est, en effet, un moyen pour la personne concernée d'exercer ses droits de rectification, d'opposition, d'accès et d'interrogation, de sorte que l'absence de cette mention cause nécessairement un préjudice ; les diverses modifications réalisées sur le contrat qui ont eu pour objet de tenter de rendre ce contrat conforme à cette exigence, ont fait obstacle à l'exercice par la demanderesse des droits que la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 lui accorde et étaient bien de nature à causer un préjudice (3 000 euros de dommages et intérêts).

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