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Réalisatrice, Associée et DG : un cumul préjudiciable ?

Publié le : 15/12/2020 12:37:06
Catégories : Audiovisuel | Cinéma , Pilotage des entreprises

Le réalisateur d’une oeuvre audiovisuelle jouit d’un double statut, d’auteur, d’une part, pour son apport créatif original à l’oeuvre, et de salarié, d’autre part, pour son travail technique.

Une société de production de programmes de télévision a fait valoir avec succès que les juridictions prud’homales ne sont pas compétentes pour trancher le litige l’opposant à sa réalisatrice cumulant les statuts d’auteur / actionnaire égalitaire / DG.   

Incompétence des juridictions prud’homales

La Réalisatrice avait informé la société de Production (et son autre associé égalitaire), de sa décision de démissionner de son mandat de directrice générale. Le litige soulevé à cette occasion et portant sur sa rémunération ne relevait pas des juridictions prud’homales en dépit de l’existence de bulletins de salaire signés avec sa société en sa qualité de réalisatrice.    

Aucun lien de subordination juridique

En  effet, il n’existait aucun lien de subordination juridique entre la Réalisatrice et la société de production dès lors que la Réalisatrice jouissait d’une autonomie totale dans l’exercice de ses fonctions en sa qualité de directrice générale et actionnaire à hauteur de 50 % du capital social ; elle avait toujours exercé ses fonctions 'techniques’ de réalisatrice en parfaite indépendance et avec l’autonomie la plus totale dans la mesure où ses compétences n’étaient partagées avec aucune autre personne au sein de la société ; elle avait tout contrôle sur les conditions de réalisation des films documentaires destinés à être vendus à TF1 soit directement, soit par l’intermédiaire de prestataires (de l’écriture à l’embauche des chefs opérateurs, cameraman, montage, etc) ; aucune directive ne lui était donnée sur l’approche ou sur la ligne éditoriale et artistique à donner à ces films ; son positionnement et son expérience lui ont permis d’imposer ses choix de production et de gérer l’activité courante de la société de production (mise en place des plannings des projets, des livraisons et séquenciers à respecter, choix des intermédiaires, des moyens de tournage) ; elle était rémunérée par la société  pour ses prestations et percevait, pour chaque documentaire réalisé, une gratification et des redevances de droits d’auteur.

Quid de la présomption de contrat de travail ?

Pour soutenir que ses prestations d’auteur-réalisateur ont été effectuées sous un statut salarial, la Réalisatrice évoquait les dispositions des articles L. 7121-2 et L. 7121-3 du code du travail, selon lesquelles est présumé être un contrat de travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, parmi lesquels le réalisateur pour l’exécution matérielle de sa conception artistique.

Elle omettait toutefois de rappeler que cette présomption s’applique dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. Or, en application de l’article L. 8221-6 I du code du travail « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, (…) les DIRIGEANTS des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés (…) ».

L’article L. 8221-6 II prévoit que l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes mentionnées au § I dudit texte fournissent des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

La Réalisatrice a échoué à établir qu’elle avait accompli son travail dans le cadre d’un lien de subordination.  La seule production des contrats d’auteur-réalisateur et de bulletins de paie sont insuffisants à rapporter la preuve qu’elle se trouvait dans une situation de subordination, tandis que les éléments du dossier établissaient qu’en tant qu’actionnaire à hauteur de 50 % du capital social, elle exerçait un contrôle conjoint de la société.

En sa qualité de directrice générale, elle disposait selon les statuts des mêmes pouvoirs de direction que le président, elle jouissait d’une parfaite autonomie dans ses fonctions de réalisatrice, étant observé que dès la création de la société, il avait été convenu au regard des compétences de chacun que son associé monteur et technicien audiovisuel, assurerait les prestations de montage et de post-production tandis que la Réalisatrice se chargerait de la réalisation des films documentaires destinés à être vendus à TF1.

En outre, compte tenu de sa qualité d’associée égalitaire, la Réalisatrice était également co-productrice des films documentaires qu’elle réalisait, ce qui lui donnait d’autant plus de poids pour dicter ses choix éditoriaux et artistiques.

Article L. 1411-1 du code du travail

Aux termes de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient ; il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti.

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du même code que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération, le lien de subordination ainsi exigé se caractérisant par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’existence de relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

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