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Droit de la Téléréalité

Publié le : 22/10/2017 19:57:00
Catégories : Audiovisuel | Cinéma , Travail | Social | RH

Droit de la Téléréalité

Droit de la Téléréalité : affaire du Bachelor


Plusieurs candidates de l’émission « Le Bachelor »  ont obtenu la requalification de leur participation  au jeu « Le Bachelor » en contrat de travail à durée indéterminée.

 

Téléréalité et Requalification en contrat de travail

 

Le contrat de travail est le contrat par lequel une personne accomplit une prestation de travail, sous la subordination d'une autre, moyennant une rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

 

En l’espèce, il était établi que les participants à l’émission « Le Bachelor »  présentée comme une émission de téléréalité, dans laquelle ils étaient censés montrer leur véritable personnalité et exposer au public, leurs sentiments les plus intimes, étaient sélectionnés par une série de castings, visant, notamment, à mieux connaître, au moyen de "screen tests" et autres tests leurs personnalités et à déterminer leurs capacités physiques et psychologiques. La sélection rigoureuse des candidats, les exigences qui étaient posées dans le règlement du jeu démontraient que la société W9 PRODUCTIONS attendait des personnes retenues, une prestation particulière très encadrée, contraignante où elles se trouvaient une large partie de leur temps sous le regard des caméras et qui était destinée à s'inscrire dans une activité à finalité économique.

 

Les entraves apportées à leur liberté d'aller et venir, l'obligation de se rendre dans un lieu tenu secret, de ne pas quitter leur lieu de résidence, la privation de l'utilisation de leur téléphone portable, de l'accès à internet, à la radio et la télévision, l'interdiction d'entrer en contact avec des personnes extérieures à celles impliquées dans l'émission et l'existence d'un synopsis de tournage ou de consignes précises données aux participants pour organiser leurs activités, les rencontres entre les candidates et le Bachelor, leurs faits et gestes dans les moindres détails, les privant de toute spontanéité ne permettaient pas de considérer qu'il s'agissait d'une situation de réalité ou d'un divertissement mais bien d'un travail pour le compte d'un employeur.

 

Sur le versement d'une rémunération, il ressortait clairement des éléments de l'affaire que la société W9 PRODUCTIONS a versé des gains à toutes les participantes, même aux "candidates remplaçantes" et qu'elle a également pris à sa charge tous les frais de déplacement et d'hébergement. Il a bien, dans ces conditions, été versé une rémunération aux candidates. 

 

Sur l'existence d'un lien de subordination, le règlement du jeu démontrait que l'employeur posait des exigences qui allaient au-delà du simple encadrement de toute activité humaine organisée, à but ludique. Les participants étaient privés de contacts avec l'extérieur, se voyaient fixer des horaires détaillés pour les repas et les activités, devaient porter des tenues imposées et avoir des comportements convenus lors d'un certain nombre de rencontres.

 

Le règlement de jeu prévoyait également qu'en cas d'infraction aux règles de confidentialité, les candidates pouvaient être condamnées à payer un dédommagement financier immédiat de 20 000 euros, sans préjudice d'une action en dommages et intérêts et de l'élimination du candidat ne respectant pas le règlement.

 

Les trois éléments constitutifs du contrat de travail étaient donc bien réunis. En application de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail des candidates a été qualifié de contrat à durée indéterminée à temps complet (aucune indication précise n'étant portée sur les heures de travail et aucun motif de recours n'étant mentionné pouvant permettre de retenir l'existence d'un contrat de travail à durée déterminée).

 

Pas de statut d’artiste interprète

 

Les juges ont considéré que les candidates n’ont pu faire preuve de beaucoup de spontanéité, mais avaient dû suivre des directives précises, tant dans la manière de se comporter que de s'habiller et que des scènes devaient être répétées. Toutefois, les règles posées pour le déroulement du jeu « Le Bachelor » n’ont pas été assimilées à un scénario, faute d'intrigue, d'un cheminement vers un dénouement posé à l'avance et de dialogues vraiment construits. Les candidates ne se sont donc pas vues reconnaitre la qualité d’artiste-interprète et n’ont pas  bénéficié de la convention collective des artistes-interprètes engagés pour la réalisation d'émissions télévisées.  

 

Concept du Bachelor

 

 

Pour rappel, « Le Bachelor » est une émission présentée comme étant un jeu de rencontre et de séduction, dans lequel un célibataire " idéal" (le Bachelor), à la recherche de l'âme sœur doit choisir parmi un certain nombre de candidates (25 en saison 1, 20 en saison 2), également célibataires et à la recherche de l'âme sur, l'élue de son cœur. L'élimination des candidates s'opère au moyen de réceptions successives par le Bachelor, au cours desquelles celui-ci remet ou pas à chacune une rose, dont il dispose, en nombre inférieur aux candidates en lice ou encore en lice, réceptions qualifiée de "Cérémonies de la Rose" (article 3.6 du règlement du jeu).  A l'issue, le couple se voit offrir un voyage d'une valeur de 5 000 euros, le Bachelor pouvant donner une bague, offerte par la production, d'une valeur de 10 000 euros, à l'heureuse élue, qui peut l'accepter ou la refuser. Ce jeu se déroule durant cinq semaines en des lieux différents, soit en France, soit à l'étranger, le Bachelor étant logé dans une maison, un appartement ou une chambre d'hôtel et les candidates, logées ensemble dans une "Villa". 

Téléréalité et vie privée des candidats

 

Dans une autre affaire, un magazine a publié un article et des photographies portant sur la relation sentimentale (réelle ou supposée) nouée par une ancienne candidate de téléréalité. Les juges ont conclu à l’atteinte à a vie privée et au droit à l’image de la candidate. 

 

Vie privée et droit à l’image

 

Conformément à l'article 9 du code civil et à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute Personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse.  De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l'utilisation qui en est faite d'un droit exclusif, qui lui permet de s'opposer à sa diffusion sans son autorisation.

 

Cependant, ces deux droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ils peuvent céder devant la liberté d'informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l'intérêt légitime du public. A noter que la diffusion d'informations anodines ou déjà notoirement connues du public n'est pas constitutive d’une atteinte au respect de la vie privée.

 

Atteinte à la vie privée constituée

 

Si la candidate a effectivement participé à des émissions de téléréalité dans lesquelles elle exposait des comportements relevant de sa vie privée et si elle a accepté que soient publiées de nombreuses images d'elle où elle apparaissait très dévêtue, elle n'en a pas pour autant renoncer à toute vie privée.   L'atteinte à la vie privée était caractérisée en raison de la divulgation de la relation sentimentale de la candidate (que cette relation soit réelle ou supposée). Il en était de même de l'atteinte au droit à l'image, dès lors que les photographies ont été publiées sans autorisation et qu'elles ont été détournées de leur contexte afin d'illustrer un article fautif. La candidate a obtenu la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts.  

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