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Régime juridique de l’oeuvre multimédia

Publié le : 10/10/2016 10:03:17
Catégories : Internet | Informatique , Spectacle vivant | Culture

Notion d’œuvre multimédia

Il n'existe pas de régime juridique unifié de l'oeuvre multimédia. L’œuvre multimédia i) réunit des éléments de genres différents (sons, textes, images fixes ou animées, programmes informatiques etc.) et ii) suppose une interactivité qui permet à l’utilisateur, par l'intermédiaire d'un logiciel, de naviguer de manière non linéaire à l'intérieur d'un programme dont il déclenche le choix du parcours.

Une œuvre multimédia peut être associée ou non à un programme multimédia, à savoir toute fixation ou tout programme qui, bien que ne constituant pas en lui-même un programme d'ordinateur, intègre, combine et actionne entre elles, grâce à un logiciel qui peut en permettre l'emploi interactif, des données qui constituent notamment des œuvres au sens de l'article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle, étant entendu que ces données doivent relever de genres différents et notamment musiques ou sons, textes, images animées ou fixes et ce quel qu'en soit le support ou le mode de transmission (hors ligne ou en ligne, connu ou inconnu à ce jour). Ne constitue pas une exploitation de programmes multimédias la radiodiffusion ou télédiffusion d'œuvres, même communiquées à la demande.

Propriété de l’œuvre multimédia

L’œuvre multimédia est soumise à la présomption de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle : la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée. En l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation de l'oeuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire du droit de propriété intellectuelle de l'auteur. En conséquence, la présomption de titularité des droits sera  acquise par la société qui a apposé sa dénomination ou son logo sur la jaquette (éditeur ou producteur).  La reproduction du logo de l’éditeur ainsi que l'utilisation de son numéro ISBN sur le carton du CD-Rom emportent présomption vis-à-vis des tiers que la société est l'éditrice de l’enregistrement (CA de Paris, 17/09/2009).

Les intervenants à l’œuvre multimédia

En cas de production d’une œuvre multimédia, il convient de bien distinguer l'auteur (avec qui conclure un contrat de cession de droits)  de l'exécutant (prestataire de service, freelance ou salarié). Pourraient donc revendiquer la qualité d'auteur, les intervenants occupant les fonctions suivantes :

La fonction de « réalisation » : la fonction de direction artistique de l’activité créative des équipes : il s’agit de garantir la qualité finale de l’œuvre dans son ensemble en sélectionnant les éléments artistiques du contenu, en supervisant les opérations de production jusqu'à la version définitive, en validant toutes les étapes de la création.

La fonction de création du scénario interactif : déterminer les séquences, l'arborescence, l'ensemble des fonctionnalités et des principes d'interactivité, à définir les composants visuels, sonores et textuels, les principes de l'interface graphique, des écrans types…

La fonction de conception graphique : l’élaboration de l'interface graphique, le choix et la définition des écrans type, la création des décors, des personnages, des illustrations et/ou animations…

La fonction de création de la composition musicale spécialement réalisée pour l’œuvre multimédia.

Deux conséquences principales sont attachées au statut d'auteur : i) le principe de la participation proportionnelle des auteurs de l’œuvre multimédia aux recettes (provenant de la vente ou de l'exploitation de l’œuvre, sauf évaluation forfaitaire dans les hypothèses de l’article L.132-6 du Code de la propriété intellectuelle ; ii) le respect du droit moral.

Qualifications juridiques multiples

Une œuvre multimédia peut, selon les circonstances, être :

– une œuvre collective

– une œuvre de collaboration

– l’œuvre d’un auteur unique

– une œuvre composite

– une œuvre adaptée

La qualification est d’importance dans la mesure où les règles de cession de droits et les barèmes de rémunération ne sont pas identiques. En effet, à titre d’exemple, la qualification d’une oeuvre en vue de son classement dans le barème des sociétés de gestion de droits, s'apprécie au regard des dispositions des articles L. 113-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, selon que l'oeuvre est simple, composite ou de collaboration, cette qualification entraînant des redevances différentes selon la qualification retenue (CC, 1ère ch. civ., 6 février 1996, pourvoi n° 94-12612).

Un site Internet a été qualifié d’œuvre multimédia (CA d’Aix, 2ème Chambre, 11/12/2008). L’originalité du site devra toutefois être établie pour bénéficier de la protection par les droits d’auteur (Cour de cassation, ch. civ.,12/05/2011).

Une œuvre multimédia a aussi été qualifiée d’oeuvre collective (visite virtuelle réalisée à partir d’un diaporama intégré à un CD Rom) dans la mesure où il s'agit d'une oeuvre créée à l'initiative d’une société, sous sa direction et en son nom et dans laquelle la contribution personnelle de l’auteur (qui avait par ailleurs sous-traité le développement des clichés) se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue (CA de Rennes, 7/09/2004).

L’œuvre multimédia (CD-Rom) n’est pas une oeuvre audiovisuelle en raison de l'absence d'un défilement linéaire des séquences, l'intervention toujours possible de l'utilisateur pour en modifier l'ordre, et la succession non de séquences animées d'images mais de séquences fixes pouvant contenir des images animées (Cour de cassation, ch. civ., 28/01/2003).

Un jeu vidéo est qualifiable d’œuvre multimédia dès lors qu’il s’agit « d’une oeuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l'importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature » (CC. 1ère ch. civ. 25 juin 2009, pourvoi n°07-20387)

L’œuvre multimédia peut faire l’objet de différents contrats :

– contrat d’édition “classique” avec clause de cession des droits d’adaptation multimédia

– contrat de coproduction

– contrat de commande et de cession de droits (textes, images …)

– contrat de travail

– contrats de prestations de services (pressage, graphisme, intégration, développement …)

L’auteur d’un CD Rom peut parfaitement céder ses droits par contrat d’édition (Cour de cassation, ch. civ., 28/01/2003).

Protection juridique multiple

L’œuvre multimédia est le plus souvent protégée en tant qu’œuvre originale de l’esprit (appréhendée globalement). Un film interactif intégré à un CD Rom a été considéré comme une œuvre protégée (affaire Cartier  CA de Paris, 27/09/2006). Par ailleurs, chaque composante de l’œuvre multimédia peut aussi être protégé à titre autonome, si elle est originale (textes, photographies, logiciel) et/ou soumise à une protection spécifique (droit sui generis d’une base de données consultable sur CD-Rom…).

Intégration de données protégées

L’intégration de données (originales) dans une œuvre multimédia doit donner lieu à une cession de droits d’auteur sous peine de contrefaçon. Toutes les données citées par l'article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle sont concernées, à savoir :

  • Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;
  • Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres oeuvres de même nature ;
  • Les oeuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;
  • Les oeuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en oeuvre est fixée par écrit ou autrement ;
  • Les compositions musicales avec ou sans paroles ;
  • Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d'images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ;
  • Les oeuvres de dessin, de peinture, d'architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie;
  • Les oeuvres graphiques et typographiques ;
  • Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie ;
  • Les oeuvres des arts appliqués ;
  • Les illustrations, les cartes géographiques ;
  • Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture et aux sciences ;
  • Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire.

A titre d’exemple, une société a été condamnée pour contrefaçon pour avoir exploité dans une œuvre multimédia, de la documentation aéronautique. Même solution pour l’exploitation non autorisée du cliché "Ché au béret et à l'étoile" qui avait été reproduit à plusieurs reprises sur le carton de présentation, sur la jaquette ainsi que sur le disque et sur deux pages du CD Rom (TGI de Paris, 11/07/2007).

Lorsque des auteurs créatifs ont contribué à la réalisation de l’œuvre multimédia, il convient d’apposer un crédit sur la jaquette ou dans le livret (exemple : « Directeur- rédacteur en chef : …. » ;  « Infographie, correction : …. » ;  « Conception et réalisation, mises en pages, infographies : …. » ; « Graphismes / Photographies : …… » (TGI de Paris, 16/01/2008).

Chaque élément de l’œuvre multimédia se voit appliqué son propre régime juridique. Ainsi, les  compositions musicales incorporées dans les jeux vidéo émanant des d'adhérents de la SACEM sont soumises au droit de reproduction mécanique dont l'exercice et la gestion sont confiés à la SESAM (CC. 1ère ch. civ. 25 juin 2009, pourvoi n°07-20387)

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